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« Aujourd'hui a lieu l'inauguration du premier chemin de fer parisien ; demain l'ouverture , aujourd'hui l'inauguration ; ne confondez pas : demain le public , aujourd'hui les élus . Pendant que nous écrivons ces lignes ,nous avons auprès de nous un de ces élus qui arrivent de St Germain , il nous conte son voyage en déjeunant . Ce jeune homme est sorti de chez lui ce matin à 7 heures . Il est arrivé rue de Londres joyeux et dispos ; il est monté dans une excellente berline ; il s'y est assis fort à l'aise sur de très bons coussins , il a entendu un roulement et puis il est arrivé à St Germain . Il prétend avoir aperçu quelques arbres dans la campagne pendant la route , mais il n'oserait l'affirmer ; il sait cependant qu'il a passé sous une voûte , et qu'il est resté une grande minute privé complètement de lumière . En arrivant à St Germain , son âme s'est attristée en songeant qu'il avait fallu si peu d'instants pour être si loin de sa famille et de ses amis ; alors il a voulu repartir , mais il doutait de la promptitude du retour .Cela est naturel , nous ne savons pas pourquoi , mais en général on part plus vite que l'on ne revient ; il est reparti et bst ! Le voilà arrivé à Paris ; 26 minutes pour aller ; 26 minutes pour revenir ; quel charmant voyage ! Une voiture très douce ; point de cahots ; point de postillons ivres , point de chevaux blancs attelés avec des cordes ; point d'embarras , aucun ennui ; les compagnons de voyage sont tous charmants , on n'a pas le temps de les voir ; on apprend le lendemain qu' on a fait la route avec son frère , mais il regardait à gauche et vous à droite : vous ne vous êtes pas reconnus . Quel plaisir de se promener sur l'impériale de la voiture ! S'il pleut , on n'a pas le temps d'ouvrir son parapluie . Ah! La délicieuse manière de voyager «
Madame Emile de Girardin 1843
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